La Nosémose: une maladie probablement opportuniste
Définition: La nosémose est une maladie parasitaire de l'abeille du à un parasite de la classe des fongidés (autrefois il était classé dans les Protozoaires). Cette pathologie touche les trois castes d'abeilles et est due à la prolifération dans les cellules intestinales de Nosema apis ou Nosema ceranae
Généralités: Cette maladie est répandue dans le monde entier, cependant c'est dans les pays tempérés (hivers longs et humides) que les manifestations cliniques sont le plus répandues notamment au printemps. Dans les pays tropicaux et sub-tropicaux, elle pose peu de problèmes.
Le parasite peut être présent sous forme non pathogène dans la colonie (atteinte asymptomatique), ou devenir pathogène (maladie) sous l'influence essentiellement de causes favorisantes.
En France, la nosémose est une maladie réputée contagieuse à déclaration obligatoire.
Etiologie: L'agent causal est un parasite unicellulaire de la classe des Fongidés, Nosema apis (et aujourd'hui Nosema ceranae), identifié en 1907 par Zander.
Agent Pathogène et cycle: Au cours de son cycle évolutif, Nosema apis passe par différents stades. Le cycle est assez complexe et varie selon les conditions du milieu. Le parasite peut se trouver sous deux formes qui correspondent aux deux principales phases de son cycle:
- Stade de morphologie amiboïde: phase végétative et reproductrice du parasite par division cellulaire, dans les cellules intestinales de l'abeille
- Stade de spore: phase passive et de résistance, mais aussi de de dissémination. La spore est composée de 3 éléments fondamentaux:
- L'enveloppe qui lui permet de resister aux attaque extérieur et ainsi survivre, parfois dans des conditions extrêmes, pendant plusieurs années.
- Le sporoplasme qui est le germe de la spore, il comprend le cytoplasme et le germe amiboïde. La spore de microsporidie présente normalement un noyau, mais celle de Nosema apis possède deux noyaux (d’où le nom de diplokarion) ainsi que des réserves nutritives.
- L'appareil d'extrusion: la capsule polaire et le filament polaire. La capsule permet le maintien, l'articulation et l'extrusion du filament polaire. Le filament, quant à lui, s'enroule comme un ressort sur les flancs de la moitié postérieur de la spore. Chez Nosema apis, il peut exister jusqu'à 44 spires pour une longueur du filament de 400 µm.
Lorsqu'elles sont ingérées par l’abeille (alimentation, nettoyage), les spores vont germer dans l'intestin moyen où l'environnement leur est favorable. Puis elles pénètrent dans les cellules de la paroi grâce à un filament polaire qui permet la migration du matériel infestant (sporoplasme) dans la cellule épithéliale. Nosema sp. se multiplie et croît. Au terme de ce développement, la cellule infectée dégénère et est généralement détruite, ce qui permet la libération de grandes quantités de spores qui vont réinfecter d’autres cellules ou qui seront évacuées avec les déjections, devenant ainsi une source de contamination importante dans l'environnement de la ruche.
Les spores peuvent résister 5 à 6 semaines dans les cadavres d'abeilles, un an et plus dans les excréments et 2 à 4 mois dans le miel
Contamination: L'infestation peut se faire par une spore unique mais on considère généralement qu'il faut entre 20 et 90 spores pour que la maladie apparaisse.
Causes favorisantes:
“Nosema apis n'est pas une cause primaire de dysenterie…. N. apis, agissant seul, ne peut déclencher une dysenterie générale dans la colonie.” Marc-Edouard Colin.
“La maladie n'apparaît que si des facteurs environnementaux déclenchent le stress” Jean-Marie Barbançon.
Ainsi, on considère qu'il faut des facteurs extérieurs affaiblissant ou désorganisant la colonie pour que Nosema apis puisse se développer.
Ces conditions sont:
- Les conditions climatiques avec des hivers longs et humides,
- Les périodes pluvieuses,
- Le confinement,
- Pesticides, avec ou sans signes d'intoxications (affaiblissement “chronique” et progressif de colonies?)
- Conditions d'élevage: comme par exemple un hivernage sur miellat riche en melézitose, qui cristallise dans l'intestin et sensibilise et fragilise les cellules intestinales.
- Souches et races d'abeilles plus ou moins sensibles.
Il est envisageable que l'association avec d'autres germes pathogènes fasse de la nosémose une pathologie multifactorielle (amibiase des tubes de Malpighi, virus BVY, BQCV, virus filamenteux…)
Epidémiologie: La propagation se fait par les spores dans la ruche et entre les colonies.
Dans la ruche: par les échanges entre abeilles, par les activités de nettoyage, par trophallaxie,…
Entre les ruches: par dérive, pillage, transhumance, achat d'abeilles….
Pathogénie: Les spores après ingestions (cf cycle) arrivent dans l'intestin moyen et lorsque le terrain leur est “favorable” se développe en parasitant les cellules épithéliales. L'infection des cellules intestinales commence à l'extrémité postérieure du ventricule. Puis se développe dans tout le ventricule et le rectum dont les épithéliums sont remplis de spores (on en a trouvé jusqu'à 50 millions dans le ventricule et 200 millions dans le rectum d'abeilles parasitées.
Cette destruction cellulaire associé à la prolifération du parasite est à l'origine de la dysenterie et des symptômes associés au niveau de l'abeille et de la colonie.
- Inflammation du tube digestif et diarrhée.
- Parfois constipation par accumulation de spores dans le tube digestif (abeilles avec un abdomen gonflé)
- Désorganisation de la digestion avec diminution du taux d'acides gras et hypoprotéinémie dans l'hémolymphe, avec comme conséquence une gelée nourricière et royale carencées et donc des troubles du développement.
- Perturbation du métabolisme protidique avec une diminution de la résistance des abeilles (notamment d'hiver) et de leur longévité? D'où l'observation de dépopulation par diminution de la longévité et par la mort suite aux diarrhées.
- Les abeilles jeunes ayant un épithélium pouvant se régénérer, la maladie peut être asymptomatique durant l'été car les abeilles ont une vie plus courte.
Symptômes: Il n'y a pas de signes caractéristiques de cette maladie.
Maladie apparaissant le plus souvent au printemps (comme cette année dans le Haut-Rhin)
- Mortalités variables: abeilles mortes devant les ruches ou pertes de ruches,
- Dépopulation,
- Troubles digestifs: diarrhées ( retrouvées parfois sur les parois, couvre cadres, cadres…), constipation (abdomen gonflé),
- Abeilles grimpant aux brins d'herbe, ne pouvant plus voler; abeilles traînantes (crawling).
- Sur les reines: il existe des reines infectées par Nosema. Les conséquences pathologiques d'une infection des reines sont variables:
- Tout d'abord, il peut n'y avoir aucune conséquence pathologique,
- La nosémose peut entraîner une dégénérescence ovarienne, et donc la stérilité avec comme conséquence un remérage par supersédure,
- Enfin la reine peut être contaminante si elle est infestée par rejet de spores dans les excréments
Il semble que l'on ne trouve jamais de Nosema dans les oeufs.
Diagnostic:
Clinique: Par examen de l'intestin des abeilles. L'intestin des abeilles atteintes est généralement de couleur blanche, alors que celui des abeilles saines est brun-rouge (pollen dans l'intestin): couper la tête d'abeilles mortes et tirer sur l'abdomen pour mettre en évidence l'intestin.
La clinique n'étant pas suffisante, le diagnostic de certitude se fait grâce au laboratoire.
Laboratoire: Il se fait par mise en évidence des spores au microscope. Cependant, ce n'est pas parce qu'il y a des spores que l'on est en présence de la maladie. La présence de spores n'est pas suffisante, d'autres éléments sont nécessaire pour affirmer qu'on est en présence d'une Nosémose Maladie. C'est, entra autre, le comptage des spores.
Le comptage des spores se fait à partir de 30 abdomens d'abeilles diluées dans du sérum physiologique. Puis examiné entre lame et lamelle au microscope, on compte le nombre de spores.
Résultats: Les résultats donnent le nombre d'abeilles infestées par ruches et le nombre de spores par abeille.
La présence des spores n'est pas une preuve absolue que le parasite soit la cause de la pathologie observée sur les colonies ou sur les pertes constatées. Un examen sur place doit établir si l'apiculteur n'a pas commis d'erreur lors de la mise à l'hivernage, vérifier les cultures alentour, l'usage éventuel de pesticides sur les champs voisins…
Lecture des résultats: sur le degré d'infestation par Nosema:
- → Intensité très légère: 0,001 à 1 Million de spores par abeille
- → Intensité légère: 1 à 5 Millions de spores par abeille
- → Intensité Moyenne: 5 à 10 Millions de spores par abeille
- → Intensité semi-sévère: 10 à 20 Millions de spores par abeille
- → Intensité sévère: >20Millions de spores par abeille
Pronostic: Il s'agit d'une maladie très grave dans sa forme épizootique qui est capable de détruire de nombreuses colonies et ruchers.
Traitement: Il n'y a pas de traitement médical que l'on a le droit de prescrire en France. La Fumagiline a une action contre les microsporidies, mais n'a pas d'AMM en France.
Des vieilles recettes utilisant des huiles essentielles sont parfois utilisées.
Ainsi, la lutte contre cette maladie se fait essentiellement par la prévention.
Prévention:
- Techniques apicoles: l'apiculteur doit tout mettre en oeuvre à son niveau afin de limiter au maximum les facteurs favorisants, notamment lors de la préparation à l'hivernage:
- Avoir des abeilles robustes, avec des reines jeunes et prolifiques; renouveler les reines tous les ans ou tous les deux ans maximum, ce qui permettra d'avoir des grappes hivernales de qualité,
- Bonne exposition des ruches et ruchers en évitant les emplacements humides et ombragés,
- Provision d'hivernage de bonne qualité (éviter miellat) et en quantité suffisante,
- Limiter les carences protéiques: traitement de la Varroise “de qualité”, apports pollinique (pour constituer des corps gras corrects)
- Changer les vieux cadres…
- Il faut faire attention au sucre que l'on utilise lors de nourrissement: par exemple le sucre glace du commerce contient de l'amidon qui laisse des résidus dans le tube digestif de l'abeille ce qui est dangereux et peut favoriser le développement de Noséma.
Conclusion
Malgré tout, même les meilleures mesures de prévention et de préparation à l'hivernage prises n'empêcheront pas des cas de nosémose tant cette maladie dépend du milieu extérieur. Ainsi, il a été trouvé des résidus de Clothianidine (Poncho ND) sur les cadavres d'abeilles d'un rucher du Bas-Rhin, à 1 Km de la frontière allemande où ce produit est autorisé. La Clothianidine a-t-elle fragilisé les ruchers du Bas-Rhin, où tout le département a été déclaré infecté par la Nosémose? Y-a-t-il un lien de cause à effet ?
(Sources: Jean-Marie Barbançon, Marc-Edouard Colin, Afssa, Wikipédia) apivet.eu < 2008