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Biologie du Varroa
Varroa Destructor a son «nez» sur ses pattes
L’acarien Varroa destructor possède sur ses pattes antérieures une petite cavité dotée d’un organe olfactif. Par un enregistrement électrophysiologique réalisé au moyen d'électrodes plantées dans les sensilles olfactives, nous avons démontré que Varroa capte les odeurs et y réagit.
Le monde des sens de varroa
A l’aide de quels sens Varroa destructor, parasite de l'abeille mellifère, qui, comme son nou» veau nom l’indique, occasionne
d'importants dégâts dans les colonies d'abeilles, peut-il bien s'orienter? De nombreuses études ont déjà été effectuées et
d'autres sont en cours pour tenter d'expliquer le système d'orientation et de communication de Varroa. Petit à petit la lumière se fait sur ces mécanismes complexes. On sait que pour se reproduire, les varroas femelles, qui se trouvent sur les abeilles nourrices, dont elles sucent l'hémolymphe. les quittent à un moment donné de leur développement pour rejoindre les alvéoles de couvain prêtes à l'operculation. Là, comme l’a montré Gérard Douzt lors de ses recherches à Liebefeld, a lieu un cycle de reproduction très organisé. Dans l'obscurité de la ruche, Varroa ne peut compter sur ses yeux. Il peut certes différencier la lumière de l’obscurité - certaines cellules du système nerveux sont sensibles à la lumière - mais
il lui est impossible de trouver par la vue le chemin conduisant aux cellules de couvain qu’il privilégie. Comme la plupart des arachnides, les varroas sont très sensibles aux vibrations et ont un sens tactile très développé. Bien que l’on sache que, comme les abeilles, ils ne peuvent pas entendre les sons, en d’autres termes capter les différences de pressions
produites par les ondes acoustiques, on ne sait cependant pas s’ils sont capables de percevoir au moyen de leurs poils sensoriels, à l'instar des abeilles, l'accélération des molécules d’air produite à leur proximité par de fortes ondes acoustiques. En revanche, on sait qu’ils sont sensibles aux moindres différences de température. Ils vivent donc dans un monde qui se caractérise par des stimuli chimiques, des secousses et des différences de température, un environnement qui nous est totalement étranger. Ce monde d’odeurs et de goûts contraste fortement avec le nôtre, composé de couleurs et de sons.
Le Nez de varroa
Lors de notre étude, nous avons voulu savoir comment les varroas perçoivent les odeurs et s'ils s'orientent, jusqu’aux cellules de couvain adaptées à leur reproduction, par la perception d’odeurs spécifiques. Comme tous les insectes, l'abeille possède des antennes recouvertes de milliers de cils sensoriels et de sensilles implantés sur des plaques poreuses. Ils lui servent à reconnaître la multitude de parfums floraux flottant dans son environnement de même que ses congénères appartenant à la même colonie et caractérisés par une odeur spécifique commune. Mais chez Varroa, où diable se trouve le nez? Comme tous les arachnides, Varroa possède huit pattes, mais pas d’antenne. Or, si l'on l’observe un varroa à la loupe ou au microscope, on remarque qu’il n’utilise que 6 paires de pattes pour se déplacer. Dans ce cas, à quoi sert sa première paire de pattes ? Et bien, celle-ci est sans cesse en mouvement, tâtonne, comme les antennes d'un insecte, l’environnement de gauche et de droite et tournoie dans l'air en permanence. C'est pourquoi, aussi curieux que cela puisse paraître, il convient de considérer cette première paire de pattes comme «le nez de Varroa».
MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE
Sur les prises de vue que nous avons effectuées au moyen du microscope électronique à balayage à l'Université de Neuchâtel, on aperçoit sur la partie supérieure des pattes antérieures, juste avant la ventouse, une petite cavité pourvue de minuscules poils sensoriels (sensilles). Chacune de ces sensilles est différente et a une structure intérieure propre.
Comme c’est le cas pour d’autres acariens et insectes, on peut déduire de l'apparence et de la structure de ces sensilles leur fonction sensorielle. Par exemple, un pore final est typique d’une sensille gustative; un socle en forme de cercle, comme on en trouve autour de la cavité sensorielle, avec un poil planté au centre indique que la fonction de cet organe est de capter les mouvements. Celui-ci transmet des impressions tactiles et peut percevoir les déplacements d’air. Certains possèdent en plus un pore final combinant ainsi une impression tactile et une impression gustative. Quant aux sensilles
percevant la température et l'humidité, qui se trouvent probablement aussi dans la cavité sensorielle, elles ne se caractérisent pas par leur apparence, mais leur manque de caractéristiques extérieures et la forme des terminaisons nerveuses à l’intérieur donnent des indications sur la fonction de ces organes. Chez les arthropodes, les sensilles olfactives se distinguent par des pores situés sur leur paroi. C’est par ces pores que pénètrent les molécules olfactives dans les sensilles et entrent en contact avec les récepteurs présents à l'intérieur des sensilles. Là se produit une réaction chimique en chaîne, déclenchée par les récepteurs situés sur la membrane des cellules sensorielles et spécifiques pour chaque classe de substances odorantes. L’ouverture de canaux ioniques induit l'envoi de potentiels d'action (impulsions nerveuses) au tra-
vers des cellules sensorielles. Les sensilles S 3, S 4 et S 5 dans la cavité sont des exemples de sensilles olfactives.
ENREGISTREMENTS ELECTROPHYSIOLOGIQUES
Ce ne sont pas les analyses au microscope qui ont apporté la preuve que Varroa peut réellement percevoir les odeurs au
moyen de ses pattes, mais des enregistrements électrophysiologiques des impulsions nerveuses émises par les sensilles olfactives situées dans la cavité sensorielle de Varroa. Pour réaliser ces expériences, nous avons collé des acariens sur un morceau de plexiglas que nous avons ensuite placé sous le microscope. Nous avons aussi fixé prudemment les pattes de l'acarien-test à l'aide de cire. Une microélectrode de déviation extrêmement fine, en tungstène ou en verre a été implantée à la base d'une sensille. Pour connecter l'acarien et réaliser ainsi un circuit électrique, nous avons piqué une électrode
de référence dans l'une des pattes. Un flux d'air, purifié au moyen d'un filtre à charbon actif, chauffé et humidifié, a ensuite été soufflé sur l'acarien-test. Au travers de ce flux, nous avons diffusé, par pilotage électronique, des stimuli olfactifs. A la suite de cette stimulation, nous avons observé une augmentation de la fréquence des impulsions électriques enregistrées dans les sensilles olfactives, lorsque Varroa percevait des odeurs d'abeilles vivantes, de larves ou
de cocons de même que des substances odorantes de synthèse.